Les castes : violentes inégalités en Inde – #0179

Maintenu au mépris de la loi, le système de castes en Inde prospère sur le dos des minorités et des femmes, ses premières victimes. Voici un article glaçant sur les violentes inégalités qui rongent la société indienne.

L’inde, un pays de splendeur. Mais aussi le pays des inégalités. Son système est le plus inhumain de la planète. Il fonctionne par castes, comme au moyen-âge. L’inde, un pays moderne. doté de la puissance nucléaire, une économie solide, une forte présence dans les nouvelles technologies, un programme spacial ambitieux.

" Avec une population de 500 millions d'habitants n'ayant pas accès aux toilettes, ce pays a l'ambition d'atteindre Mars d'ici quelques années. A moins que l'intention réelle de ses gouvernants seraient d'expédier ses 500 millions malheureux sur Mars." - Villoo Patell.

L’Inde est la 4ème économie mondiale, dans un océan de pauvreté. Un pays grand comme un continent, peuplé de 1.2 milliards d’habitants. Soit 1/6 de la population mondiale. L’Inde, un pays de violences  : des millions de femmes sont victimes d’humiliation. La torture et le meurtre font partie de leur quotidien.

" Un indien préfèrera sauver sa vache, plutôt que sauver sa femme. La femme est un bien de consommation. On l'achète et on la revend. On s'en sert, on la viole, on s'en débarrasse. " - Colin Gonsalves

L’Inde, pays de spiritualité et de croyances.

" On utilise la religion comme arme, pour diviser la société. On accuse les britanniques d'avoir divisé pour mieux régner. Et aujourd'hui, on fait la même chose avec notre propre peuple. " - Colin Gonsalves.

Une mentalité à revoir

Même si le progrès est devenu la carte de visite de l’Inde officiel, dans l’esprit des gens, les mentalités n’ont guère évolué.

" Cette image de l'Inde est très loin de celle d'une société évoluée, d'un pays avec une longue tradition historique, d'une culture riche, de belles chansons, de la musique, de la danse, des couleurs, des peintures, etc. L'Inde contemporaine est une société barbare. Une société très cruelle envers les plus faibles, les plus démunis, les intouchables, les femmes, les enfants. D'une manière générale, quiconque se trouve dans une position inférieure. L'usage de la force et de la violence envers ces personnes peut atteindre des extrêmes. C'est cela aussi l'Inde moderne ". - Colin Gonsalves.

Même si l’institution indienne proclame l’égalité pour tous, le système de castes perdure dans bon nombre de villages indiens. S’il existe des dalits chefs d’entreprise, et des brahmanes mendiants, la hiérarchie par caste reste vectrice d’inégalités importantes, notamment sur le plan économique.

 

les intouchables en Inde

 

Les premières victimes de ces inégalités sont les dalits, c’est à dire les intouchables, en dépit de l’abolition officielle de l’intouchabilité. Ils sont tout en bas de l’échelle sociale. De fait, ils sont encore discriminés de façon systémique : ils ont bien plus de mal que les Indiens de caste à accéder à l’éducation et à l’emploi, ont moins de facilité pour acheter des terres. Ils sont par ailleurs plus souvent victimes de discriminations, d’attaques, d’assassinat ou de viol, sans que les responsables ne soient souvent punis.

 

Dans les villages – milieu rural

Les jats

Quant aux jats, ce sont de riches fermiers, qui possèdent des terres et des tracteurs. Ils partagent la même religion, prient les mêmes dieux, mais le système de castes les séparent. Les dalits travaillent pour les jats dans les champs ou dans leur maison. Ils ne possèdent aucune terre : une malédiction dans un pays rural. Les jats détiennent le pouvoir et dictent les règles.

" Les dalits travaillent aux champs, et n'ont aucun jour de repos. Les jats n'accordent aux Dalits que des contrats annuels. Maximum 250 euros de salaire pour toute l'année. En échange, les dalits doivent s'engager à faire toute sorte de travaux, dans les maisons, au champ et avec les bêtes. Le contrat ne concerne qu'une seule personne, mais toute la famille doit contribuer. Ils sont totalement démunis. Lorsqu'ils ont besoin d'argent pour un mariage ou pour construire une maison, ils vont voir les jats pour leur en emprunter. Cette dépendance permet aux djats de garder les dalits soumis. Si l'argent n'est pas remboursé dans les temps, ils violent ou frappent les femmes. Et même si un policier veut appliquer la loi, les djats ne le laissent pas faire. " - Ramesh Kumar, travailleur social auprès des Intouchables.

Celles qui osent sortir de leur condition risquent le viol, la mise au ban de la société.

 

Le conseil des Jats

Au village, c’est le conseil des anciens qui a le dernier mot. Chaque décision du conseil est appliqué, même si elle va à l’encontre de la loi.

" C'est un tribunal villageois. Si quelqu'un n'obéit pas à la décision du conseil, il est chassé de la communauté. Il ne peut plus voir quelqu'un de la communauté ou du village. Il ne peut plus manger chez personne, et ne peut plus toucher le moindre objet du village. Tant qu'il ne se soumet pas à la décision du conseil des anciens, il ne fait plus partie ni de la communauté, ni du village." - un villageois.

" Les criminels sont tous des jats. Dans la protection physique d'une personne dalit, si le policier était jat, il pourrait se faire influencer par d'autres jats pour relâcher sa surveillance. Pour empêcher cela, le tribunal a décidé que je devais m'occuper de sa protection parce que je suis dalit, comme elle." - Un policier dalit, en faction pour protéger la sécurité d'une personne dalit qui a porté plainte pour viol.

Dans les grandes villes – milieu urbain

Les castes - violentes inégalités en Inde

Les castes - violentes inégalités en Inde

Vélo indien 04

 

Le système de castes n’est pas cantonné aux villages. Dans les villes, vivent ceux qu’on considère comme “les derniers des derniers”. On les appelle les “scavengers”, – en français charognard, ou pilleur de poubelle -.

Des centaines de milliers d’Indiens appartenant à ces basses castes sont chargés de nettoyer le plus souvent sans aucune protection les tuyaux souterrains, les égouts et les fosses septiques. L’usage du nettoyage manuel tel qu’il est pratiqué est théoriquement interdit par la loi depuis 2013. Mais celle-ci est difficile à appliquer, la pratique ayant souvent lieu via des sous-traitants. Des accidents mortels surviennent régulièrement.

Quant aux femmes, elles vont de maison en maison pour le ramassage des ordures ou le nettoyage des latrines qui sont des tâches impures. Cette rebutante corvée se transmet de génération en génération. Certaines maisons ne disposent pas de toilettes. Les besoins se font dans un coin de la cour intérieur, ouvert vers l’extérieur, afin que les scavengers y aient accès.

" On ne peut pas payer 20.000 roupies (260 euros) pour des toilettes. Les scavengers nous coûtent 30cts d'euros / mois. Elles aussi doivent vivre de quelque chose. Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse de nos excréments, sinon ? Si on les jette dans le caniveau, on va avoir des problèmes. " - Une habitante.

Dans beaucoup de grandes villes, il n’y a pas de canalisations modernes. Les eaux usées et immondices circulent dans des canaux ouverts, en bordure de rue. Les scavengers jettent leur chargement directement dans la rue. Ces tas d’immondices sont omniprésents dans les villes indiennes, y compris dans le coeur des quartiers résidentiels. C’est ici que les gens viennent se débarrasser de leurs déchets ménagers.

" Aux yeux des gens, nous sommes des Intouchables parce que nous faisons le sale travail. Quand les gens nous paient, il arrive qu'ils jettent l'argent par terre. Ils nous ordonnent ensuite de le ramasser. " - Une femme scavengers.

" L'opression vient des castes élevées, mais aussi de notre propre communauté. Quand on appartient au groupe des videurs de toilettes, on y reste. On ne peut pas aller dans une autre caste. En tant qu'intouchable, on n'a pas le droit de s'élever vers la caste des brahmans. "
- Une autre scavengers.

Certains réussissent

Il existe toutefois de plus en plus d’exemples d’intouchables étant parvenu à grimper l’échelle sociale. Certains ont pu faire des études longues et créer leurs entreprises, ou accéder à de hautes fonctions politiques. Cependant …

" Si un dalit qui a réussi dans la vie retourne dans son village, peut-il pour autant se baigner dans le même bassin que les castes plus élevées ? S'il fait cela, c'est la décapitation assurée ! Qu'il soit professeur ou avocat, c'est la décapitation assurée. C'est une réalité. Quelque soit son niveau d'éducation ou sa réussite professionnel, un dalit appartiendra toujours à une caste inférieure. " - Colin Gonsalves.

" La caste est le centre de la démocratie indienne : sa cohésion est assurée par la violence. " - Arundhati Roy.

L’Inde : la plus grande démocratie du monde ?

La constitution indienne interdit la discrimination fondée sur les castes, sans pour autant condamner ce système de castes. On pointe du doigt la discrimination fondée sur les castes, mais on n’est pas prêt à dire que l’existence des castes est néfaste. Tout simplement parce que ce système est étroitement lié à l’hindouisme. Même lorsque de nombreux hindous dénoncent les dérives et les discriminations liées aux castes, ils ne vont pas jusqu’à remettre en question le système. ” – Achin Vanaik – Professeur des sciences politiques.

" Très tôt dans les écrits, on trouve toute sorte de documents qui justifient le système des castes et de la violence que cela génère. Dans les écrits les plus fondateurs de cette religion, il y a des justifications. " - Charu Gupta - professeur d'histoire et de religion.

Un capitalisme sauvage

Le système de castes est un système extraordinaire qui semble non seulement survivre au système capitalisme mais également prospérer grâce à lui. La société indienne a une particularité très étrange qui crée une acceptation de l’injustice qui n’a aucun équivalent dans le reste du monde.
C’est grâce à ce système que des indiens des classes moyennes peuvent exploiter les enfants des couches sociales inférieures, et les persécuter de la pire des façons qui soit, et cela en toute bonne conscience.
C’est encore à cause de ce système que des gens peuvent vivre dans des quartiers aisés totalement verrouillés et traverser des bidonvilles où on vit dans des conditions déplorables, sans s’en émouvoir. Tout en sachant que ses habitants viendront travailler pour eux comme domestique.
C’est encore à cause de ce système que durant des dizaines d’années, pas grand chose a été fait pour que les enfants puissent aller à l’école. En 60 ans, il n’y a eu aucune loi imposant la scolarité universelle.
C’est aussi à cause de ce système que nous laissons la moitié de la population souffrir de la malnutrition et vivre dans des conditions pires qu’en Afrique Sub-saharienne.
C’est cette acceptation de l’inégalité qui, à mon sens, nous empêche de suivre un modèle de développement juste et équitable. ” – Jayati Ghosh – Professeur d’économie à l’université de Jawaharlal-Nehru.

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