Photographe, un métier d’avenir ?
Voilà maintenant quelques mois que je me suis reconverti comme photographe. Lorsque j’en ai parlé à mes proches, beaucoup d’entre eux, plutôt sceptique, m’ont posé cette question : « Et on peut en vivre ? ». Je m’en tire par une boutade : « Non, mais il y en a qui y arrivent quand même ! ».
Lorsqu’on parcourt l’enquête réalisé par Xerfi France * – La distribution et les services photographiques, cette réponse s’avère finalement un bon reflet de la réalité. On y apprend beaucoup de choses, certaines confirmant des intuitions, d’autres remettant en place quelques idées reçues.
Bien sûr, il y a ces revenus très modestes pour la majorité des photographes, bien sûr il y a une série de problèmes que l’on connaît bien (secteur concurrentiel, marché noir, faux-tographes, smartphone, respect du droit d’auteur, complexité des statuts…). Mais cette étude esquisse le profil du photographe de demain et cela est tout à fait intéressant.
Un métier de la photographie en crise ?
Nouveau repli du chiffre d’affaires en 2018
Le CA des professionnels du secteur a été une nouvelle fois en baisse en 2018. Inéluctablement, l’utilisation des smartphones pour les prises de vue et des modes de stockage numériques (clé USB, disque dur externe, plateforme en ligne, etc) se poursuit, limitant de facto les tirages photos. Le taux d’équipement des Français en smartphone était déjà de 73% en 2017. Il dépassait alors l’équipement en compacts numériques.
Dans le même temps, le recul du nombre de mariages et de naissances dans l’hexagone impactais une fois de plus l’activité des professionnels de la photo. Ceci alors que les shootings lors de ces événements représentent traditionnellement une part importante des revenus.
228 000 mariages ont été célébrés en France en 2017, contre 232 700 en 2016. Ce nombre est structurellement orienté à la baisse depuis le début des années 70 en raison de plusieurs facteurs (repli du nombre de personnes âgées de 25 à 40 ans, allongement des études, etc).
Tout le monde semble d’accord : “c’est la crise”. Et c’est la faute au numérique, cette profession ayant le privilège d’avoir pris la baffe en aller-retour : à la fois dans les moyens de production et dans la diffusion des images. “Crise” n’est pas le bon terme, on est bien dans une mutation de la profession de photographe, de la manière de l’exercer, de sa position dans le flux de travail de l’image, sans oublier de la valeur qu’on donne à une photographie.
Pressions concurrentielles
Les pressions concurrentielles se durcissent dans le secteur de la photographie. La démocratisation des appareils numériques, la simplification de leur prise en main ainsi que l’amélioration constante de la qualité des appareils sont autant d’éléments de nature qui favorisent la professionnalisation des amateurs de la photographie.
Le faire soi-même constitue aussi une forme de concurrence directe pour les spécialistes des prises de vue et des tirages photos.
Le photographe pro ne peut plus se contenter d’une prestation classique de prises de vue, mais doit élargir son champ de compétence et diversifier ses services : vidéo, création multimédia, web-design, etc. Il doit s’adapter aux nouveaux comportements de consommation et se différencier. Il doit également chercher d’autres types de clientèles, profiter de l’opportunité du web pour diffuser et faire connaître son travail. En bref, être flexible, ouvert et tirer parti de ce nouvel environnement numérique. C’est ce type d’évolution qui le distinguera de l’amateur.
Il devra enfin continuer à investir toujours plus dans un matériel coûteux, pour rester hors d’atteinte de ces amateurs.
Restons optimiste
Pour le tirage papier
Le taux d’équipement des ménages en appareils photos et autres appareils permettant les prises de vue est en corrélation directe avec les besoins en termes de développement de tirages photo et de réalisation d’objets personnalisés. Un taux d’équipement élevé en appareils photo ou smartphones implique potentiellement un plus grand nombre de photographies et un usage plus poussé des services.
Pour la prestation de service
Il impacte aussi potentiellement la demande en matière de prises de vue : la plupart des ménages ne disposant pas d’un matériel de haute qualité, ils sont plus susceptibles de faire appel à des professionnels pour la réalisation d’un reportage Mariage, une séance Famille, ou tout autre événement familial.
Beaucoup de personnes pensent qu’un photographe de famille et de mariage est régulièrement entouré de gens autour de lui. Pourtant, la profession reste furieusement individualiste. On peut être surpris du petit 3 % de photographes exerçant leur activité au sein d’un collectif (et 4 % au sein d’une entreprise). Si l’évolution est l’élargissement des compétences, une des voies est peut- être en s’associant avec d’autres talents complémentaires, sous forme de collectifs, de coopératives ou de réseaux. – j’aurais probablement l’occasion d’en parler plus tard -.
Selon les chiffres de Xerfi France, le nombre de photographes a augmenté de 37 % en quinze ans. Très concurrentiel. Mais curieusement, cette augmentation du nombre de professionnels n’est pas identifiée par les photographes comme un facteur de crise. Les 25 000 photographes se sont rajeunis et surtout féminisés.
Cette profession suscite encore des vocations, bien que près des deux tiers des photographes se déclarent pessimistes sur l’avenir de leur métier (les plus jeunes le sont moins). Photographe a toujours été un métier de passion. Par les temps qui courent, c’est suffisamment rare pour que cela mérite de s’accrocher et de se réinventer.
∗ Le groupe XERFI, leader français des études sur les secteurs et les entreprises, apporte aux décideurs les analyses indispensables pour surveiller l’évolution des marchés et de la concurrence, décrypter les stratégies et les performances des entreprises, en France comme à l’international.